Vin

LE QUINQUINA VOUVRAY BOURIN

Saviez-vous que le Quinquina Vouvray était, au début du XXe siècle, une boisson extrêmement prisée ?

Le Quinquina (Cinchona officinalis) est un arbuste ou petit arbre sempervirent de la famille des Rubiacées, originaire de l'Équateur, qui est exploité pour son écorce dont on tire la quinine, fébrifuge et antipaludéen naturel; elle stimule l'organisme et l'appétit par augmentation des sécrétions salivaires et gastriques et soigne l'anémie. Qui dit "quinine" fait sans doute penser à l'Indian Tonic (Schweppes), qui contient des extraits de quinine à l'amertume reconnaissable entre toutes. Le terme "quinquina" peut aussi bien désigner l'espèce botanique que l'écorce de quinquina ou le vin de quinquina, préparé à partir d'écorce de quinquina, d'alcool et de vin blanc ou rouge.

 

Cinchona officinalis

En allant aux Archives départementales, nous avons trouvé un texte très intéressant sur le Quinquina Vouvray Bourin, paru dans la Revue géographique et industrielle de France, en 1930 (26ème année, n°87, p. 1174) :

"Rien qu’à prononcer le nom de Touraine, l’esprit tant soit peu épris de belles choses évoque le décor exquis de ce coin tant privilégié de France avec ses vallées tièdes, bien irriguées, son ciel lumineux, ses villes charmantes, ses villages aux maisons blanches coiffées de fine ardoise ; et puis aussi tout le cortège de ses forteresses féodales, de ses châteaux fameux, de ses abbayes, cathédrales, églises, gemmes semées sur sa robe de verdure. C’est surtout un siècle de notre histoire, siècle d’épanouissement joyeux, de plaisirs et d’intrigues, tout un monde frivole et tragique à la fois – comme l’était cette cour des Valois – qui chante par la bouche de pierre de ses fastueux châteaux, ciselés comme des joyaux de la Renaissance. Mais la Touraine n’est pas qu’un vaste musée. Ses pentes crayeuses merveilleusement exposées, son terroir léger de « tuffeau », ses coteaux de pierre si tendre où chacun comme disait Boileau « sait de sa main creuser un logement », et aussi ces merveilleuses caves naturelles, véritables labyrinthes parfois prédestinaient ce coin privilégié de la « doulce France » à devenir une de nos plus glorieuses régions vinicoles. Il n’entre pas dans nos intentions de nous étendre ici sur le négoce important auquel la récolte de ces vins fameux : Montlouis, Saint-Avertin, Rochecorbon, Vouvray, etc., donne lieu ; d’importantes et honorables maisons du pays veillent à leur expansion, et nous aurons à revenir sur ce sujet.

Nous avons tenu, aujourd’hui, à parler d’une délicieuse spécialité du pays tourangeau, spécialité qui emprunte précisément au crû le plus mondialement réputé de la région une des bases les plus savoureuses de sa préparation et qui a fixé sur sa marque, de façon fort judicieuse, le nom de ce terroir de dilection. Nous avons nommé le « Quinquina Vouvray Bourin », que nous connaissions depuis longtemps – ne porte-t-il pas gaillardement sa trentaine ? – mais que nous tenions à voir sur place, sans toutefois paraître importun, aux lieux mêmes de sa préparation.

Avant d’entrer dans le côté descriptif du sujet, il nous paraît juste de rendre hommage en passant au créateur de la délicate spécialité qui porte son nom, à M. Bourin, pour l’œuvre de diffusion découlant de la vente intensive de sa marque, portant haut et loin le nom du charmant pays tourangeau qui s’appelle Vouvray, de ce Vouvray, l’un des plus jolis fleurons de cette couronne vinicole dont la France a le droit de s’enorgueillir. Et, de ce fait, ce Quinquina Vouvray, si harmonieusement élaboré au pays de Touraine, constitue bien l’une des plus exquises préparations quinquinacées qu’il nous ait été donné d’examiner.

Le Quinquina Vouvray Bourin, puisqu’ainsi on le nomme, n’est pas seulement une friandise où chante l’âme ensoleillée d’un des plus beaux pays de France, c’est par surcroît un cordial étonnant, un apéritif de premier ordre, qui communique à tout l’organisme cette sensation de bien-être, de chaleur généreuse, de réconfort, de saine gaîté, découlant d’un assemblage d’éléments en tête desquels nous trouvons les fameux quinquinas Kalissaya, savamment incorporés aux vins de choix, savoureux et dorés, dont Vouvray reste l’unité idéale.

Mais, nous rappelant à temps le vers du satiriste : « Qui ne sut se borner Ne sut jamais écrire », Nous allons pénétrer dans l’établissement modèle édifié par M. Bourin, rue Ledru-Rollin, à Tours, et dans lequel on procède avec des soins infinis à la préparation de la spécialité qui a conquis – c’était justice – les suffrages de tous les gourmets, nous pouvons dire du monde entier. Dans un bel ordonnancement, dans la clarté, l’ordre et l’hygiène rigoureux son rassemblés les services techniques et commerciaux : direction, bureaux, chais, caves, etc. Tout cela net, correct, spacieux, impeccable. Les Quinquinas Kalissaya, qualité d’élite, nous l’avons dit, arrivent ici en balles d’origine, rangées dans un magasin spécial. Après concassage dans un moulin mécanique, ces quinquinas doivent être mis en présence du précieux excipient, constitué par les vins blancs de choix, Vouvray en tête. C’est l’œuvre de macération qui s’accomplit en un temps donné dans d’énormes cuves en ciment verré, dernière création du progrès moderne, dont chacune peut contenir jusqu’à quinze mille litres, géantes bouteilles aseptiques et étanches en lesquelles Gargantua lui-même aurait pu se noyer, comme le duc de Clarence dans le légendaire tonneau de Malvoisie. Après décantation et filtrage, le liquide est automatiquement refoulé vers une partie réservée des caves : les salles de réfrigération. Des appareils merveilleusement compris lui font subir une sorte de cryothérapie très particulière et grâce à laquelle le Quinquina Vouvray est désormais à l’abri de toute fermentation secondaire, de tout « louchissement » ultérieur, ce qui lui confère une conservation et une pureté pour ainsi dire indéfinies.

Par les soins attentifs qui n’ont cessé de l’accompagner dans toutes ses étapes, grâce aussi à une asepsie rigoureuse obtenue par une technique ultra-moderne, grâce surtout à ses incomparables vins blancs de base, le Bourin, dans l’innombrable légion des quinquinas, fait figure d’aristocrate. Cette préparation apéritive est un produit type, réellement personnel, avec sa chaude couleur mordorée, claire comme un topaze où le goût spécial du quinquina s’allie de la plus heureuse façon au délicat bouquet des crus de belle tenue, qui sont la base incomparable de sa composition. L’ensemble des caves profondes, appuyées à l’Ouest sur les anciens remparts de la ville de Tours, renferme un imposant assortiment de vins blancs de qualité, quelque chose comme trois mille hectolitres en permanence, susceptibles d’assurer en tout temps et heure les préparations du Quinquina Vouvray. C’est dans ces caves que, à l’abri de la lumière du jour, des trépidations, dans une ambiance reposante et fraîche, judicieusement aérées, que dorment ces crus fameux, mais très délicats. De loin en loin, des ampoules électriques jalonnent la route, domaine du silence et du repos, éminemment favorable à la bonification des vins. Pour être complet, il nous reste à parcourir les salles de mise en bouteilles et « d’habillage ». Là encore, ainsi que dans la section du nettoyage, rinçage des récipients, ces petites choses cependant si importantes sont faites mécaniquement, c’est à dire ans des conditions hygiéniques intégrales. Il en est de même du bouchage, du capsulage et de l’étiquetage.

Comme présentation ? Nulle bouteille excentrique, ventrue, rebondie, oblongue ou allongée, non, c’est le litre, le bon vieux litre utilitaire que la maison Bourin a choisi et utilisé pour renfermer son Quinquina : mais un litre très élégamment présenté, faisant bonne figure sur les tables les plus relevées. Nous sommes heureux, au cours de notre voyage d’études à travers la Touraine, d’avoir pu parler de cette intéressante spécialité, que caractérise avec on ne peut plus d’à-propos, sur sa rouge étiquette, une symbolique et gigantesque clef : la Clef de l’appétit." _M. Grand.

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